Honda Gold Wing

Entrevue Avec Étienne Laberge

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En 2014, il part seul en direction du Mexique accompagné de son Ténèbre : un Harley Davidson Sportster 883 1997. Rendu à un tournant de sa vie, cet ancien journaliste ressent le besoin de s’évader et de suivre le vent vers le sud-ouest. Je vous présente aujourd’hui : Étienne Laberge!

Étienne est verbomoteur. Conteur hors pair, on passerait des journées entières à l’écouter nous raconter ses aventures! Sa voix modulée et ponctuée d’une gestuelle imagée nous donne l’impression d’assister à une prestation théâtrale. Du bonbon! Je le rencontre donc chez lui, dans sa belle Montérégie, l’exposant à une situation qui lui fait vivre des émotions : le journaliste interviewé…

Zabel : Comment la moto apparut dans ta vie?

Étienne : J’ai vécu ma jeunesse à Godmanchester (un peu au nord d’Huntingdon). Quand j’étais petit, mon père me faisait faire de la moto. J’ai commencé sur un mini-bike, semi-trail, il me faisait faire des tours sur le terrain. Ça faisait beaucoup de bruit et je ne trippais pas vraiment. Même chose pour la motoneige et les motos des amis de mon père : il y avait toujours des moteurs bruyants autour, mais ça ne m’attirait pas … Rendu à 9 ans, le père de mon ami possédait une Honda CB 1973, 4-cylindres : un classique! Elle, je la trouvait belle! Elle faisait autant de bruit mais je ne sais pas pourquoi, je l’aimais. Je lui ai toujours dit, depuis que j’ai 9 ans :  « Quand tu la vendras, appelle moi! » C’est donc 20 ans plus tard, à l’âge de 29 ans que le téléphone sonne! (Rires

Il me dit : « Étienne, te souviens-tu que j’avais une moto? »
Moi : « Euh, oui! »
Lui : « Je fais une vente de garage dimanche et je la vends! »
Moi : « Combien tu veux? »
Lui : « 400 $… »

Je lui offre alors 350 $ : une piasse du cc! (Rires) Je suis alors parti de Montréal pour l’acheter! Ça a été ma première moto. 

Zabel : Quelle histoire!

Étienne : C’est à ce moment que j’ai commencé à tripper, solide! Mais je me suis rapidement rendu compte qu’elle ne me permettrait pas de réaliser les longues ridesque je prévoyais faire. Je l’ai donc vendue. Ensuite j’ai eu un petit Yamaha que j’haïssais, un Maxim 400… Un jour, alors que je magasinais pour une nouvelle moto, j’ai trouvé mon Ténèbre! Je ne le trouvais pas si beau, mais il n’était pas cher et avait peu de kilométrage… Son propriétaire mesurait 6 pi 7 po, imagine…. sur un Sportster! Il mettait ses pieds sur l’aile en avant! Le lendemain, je partais avec la moto! 

Entrevue Avec Étienne Laberge

Zabel : Avais-tu des connaissances en mécanique? 

Étienne : À l’époque, je ne connaissais RIEN! C’est à force de réparer mes erreurs que j’ai appris! Au début, je la faisais modifier chez un mécano, mais j’ai rapidement commencé à faire moi-même les modifications. Ténèbre a subit beaucoup de transformations au fil du temps, il en est maintenant à sa troisième phase de vie. Il est passé destock, à bobber, àHarley-cross!

Zabel : Quand trouves-tu le temps de modifier ta machine?

Étienne : C’est au printemps que j’investis du temps sur mes projets moto. Sortir la soudeuse et le grindersur l’asphalte, avec la température clémente qui me permet d’apprécier le moment. C’est là que ça se passe. Tu coupes ton aile, tu coupes ton frame, tu magasines tes pneus, etc.

Zabel : Des heures de plaisir? 

Étienne : Oui! Ici, à la campagne, ça se prête plus à laisser aller sa créativité! À Montréal, je n’aurais pas pu faire ça… « Gosser » sur ta moto, c’est un trip unique, c’est méditatif! C’est comme rouler dans le désert, ça crée un lien solide entre toi et ta moto! En la chevauchant, tu rencontres tous les genres de cieux, de routes, d’expériences… et maintenant pour moi, tous les chemins de gravelle…

Zabel : Parle-moi un peu des routes que tu aimes explorer! J’ai vu que tu as maintenant des « pneus à pitons »? 

Étienne : Oui! Je ne sais pas comment ça a commencé ce goût de l’aventure hors des sentiers battus… au Nouveau-Mexique, je crois … J’ai commencé à y explorer les petites routes d’arrière-pays. Également quand je suis allé à l’est de Natashquan, j’ai compris que j’aimais faire du hors-route, avec mon Harley! Personne en arrière et personne en avant, tu pognes tonbuzz! Les routes isolées, j’adore! Plusieurs me suggèrent fortement de me procurer une moto aventure style BMW GS, mais moi je ne veux pas! Je veux rouler mon Harley dans des sentiers qui me permettent de vivre au max et de repousser les limites de mon Ténèbre! C’est dur, mais c’est ça le trip.

Entrevue Avec Étienne Laberge

Zabel : Quels genres de modifications as-tu réalisés sur ton Ténèbre? 

Étienne : J’ai changé la strappour une chaîne pour finalement revenir à lastrap, coupé mon aile arrière, coupé leframe, coupé l’aile d’en avant, mis une grille sur la lumière d’en avant, changé mes pneus pour des « tiresà pitons », changé mes roues de broche pour desmags (j’ai réussi à « crochir » trois roues de broches, oui je suis un peu dur avec ma moto…), changé le réservoir d’essence pour une tank de Kawasaki (je l’ai décapée, j’ai soudé des braquettes car bien évidemment plus rien ne « fittait »!), changé mon coil de place… J’ai aussi perdu une douzaine de plaques d’immatriculation en roulant, donc plusieurs supports artisanaux se sont imposés (comme utiliser une spatule de cuisine en guise de support à plaque…)! Ma tendre moitié m’a même fabriqué un siège en cuir de vache avec une étoile! Je vais bientôt poser une aile de vieux Kawasaki 76, donc un peu de soudure à faire! Je suis en train de me monter un rat bike, même si je me suis toujours juré que je n’aurais pas derat bike! , 

Zabel : Il n’y a que les fous qui ne changent pas d’idée! Donc tu as un bike semi-américain, semi-japonais? 

Étienne : J’avoue qu’il fait jaser pas mal… (Rires)

Zabel : Parle-moi de ton voyage en solo au Mexique! Comment t’est venue l’idée?

Étienne : J’étais rendu à un tournant de ma vie, pour dire franc, la dépression totale avec les séances de psy pis tout. Je cherchais un endroit où aller en moto pour changer d’air. Je n’avais plus d’emploi, donc j’avais du temps! Un concours de circonstances me fait opter pour le Mexique.  

Zabel : Comment t’es-tu préparé à cette grande aventure?

Étienne : J’étais prêt mais sans véritable préparation, aucune planification. Avec la tente sur la moto, je suis parti deux mois et demi, et ça m’a coûté en moyenne 8 $ par jour pour dormir! Je dormais n’importe où, dans des champs (où y a des scorpions et des serpents à sonnettes), en bordure de villages, j’attendais que la nuit tombe, caché dans le gazon en ayant toujours la crainte qu’un homme menaçant arrive et me dise : « Get out of here, asshole!! »… en me pointant son arme!…. Un bohémien des temps modernes…

Zabel : Techniquement, à quoi ressemblait ce trip?

Étienne : Soixante-dix jours de route, 24 000 km, Montréal-Mexique en passant par les joyaux de l’Ouest américain; j’ai monté la côte Ouest où j’ai rejoint ma mère à San Jose. Avec son petit sac, elle fut pendant quelques jours ma passagère sur l’aile de mon Sportster, avec une suspension préalablement rabaissée…. 

Zabel : Sur le plan personnel, que t’a apporté cette aventure?

Étienne : J’ai fait ce voyage en pensant pouvoir prendre le temps de réfléchir à mon avenir, ma nouvelle vie quand je reviendrais : PANTOUTE! J’ai vu tellement de belle places, souvent sur l’adrénaline, c’était trop beau pour que je pense à la réalité du quotidien qui m’attendait. Je suis alors revenu au même point, pas de job, pas d’appartement. Mais de nouvelles émotions m’habitaient! 

Zabel : As-tu d’autres projets d’envergure semblables?

Étienne : J’aimerais un jour vivre un trip d’aventure, sortir des sentiers battus et me rendre au Panama. J’ai connu à travers leurs livres inspirants : Glen Heggstad, Robert Edison Fulton Jr. et Ted Simon. Ça me donne le goût de le vivre avec ma routière pesante, avec les difficultés que l’on peut rencontrer et qu’on ne vit pas avec une moto aventure… Il y a Éric Lobo aussi! Il a fait le tour du monde à moto, bravant des températures plus qu’extrêmes sur son Harley! Je vais acheter son livre, c’est sûr… un capoté! 

Zabel : Raconte-moi quelques anecdotes de voyage…

Étienne : Mastrap a cassé dans Monument Valley à la frontière de l’Utah et de l’Arizona… Pas de maison 20 km devant et 20 km derrière. Je venais de débarquer de ma moto pour immortaliser un STOP en photo parce qu’il était tout troué par des projectiles d’arme. En rembarquant sur ma moto, je donne du gaz, et il ne se passe… rien. Oups…Ténèbre n’avance plus : la strap est par terre au milieu de nulle part et il n’y a PERSONNE à part des Chinois qui prennent des photos du décor à la  « Forrest Gump »!!! Il y avait pas très loin une famille navajo qui vendait des bijoux, et je vois un pick-up. À force de jaser, ils m’ont aidé et on a trouvé par hasard un 2 X 10  au milieu du désert (??), ce qui nous a permis de monter la moto dans la boite du pick-up. Après m’avoir déposé au motel à Mexican Hat, un d’eux est parti avec ma moto  en me disant : « Je viens te chercher demain… ». Il faut savoir que je n’avais ni son numéro de téléphone, ni son nom, mais j’avais confiance… Le lendemain, on est allés au concessionnaire Harley à Farmington, au nord du Nouveau-Mexique (à deux heures et demie de route) où ils n’ont jamais voulu la réparer! On l’a donc apportée dans une petiteshop de modifications pas très loin où Al Prince (dit « Le Prince ») m’a gentiment aidé (et il m’a donné un t-shirt!).

Zabel : Qu’est-ce qui t’attire aux États-Unis?

Entrevue Avec Étienne Laberge

Étienne : Une des choses que j’aime, c’est la culture populaire, les musées de toutes sortes. Un des musées que je tenais à visiter est celui de Duke of Hazard. Un jour, je fais un peu de recherche sur le Net et je trouve quelque chose en Géorgie, à 450 km d’où je me trouve. C’est un départ, je m’y rends. En arrivant dans la ville en question, je m’informe et personne ne semble savoir de quoi je parle…En fait, c’est que j’avais mal lu, il s’agissait plutôt d’un Ontarien qui est descendu en Géorgie pour aller démonter un vieux bâtiment en planches ayant servi au tournage de l’émission, pour le rapporter chez lui, en Ontario. Le VRAI musée était en fait à cinq minutes de mon point de départ. Je devais donc refaire les 450 km en sens inverse… 

Zabel : Tu l’as refait?

Étienne : Ben oui! Il y avait les shortsde Daisy quand même! (Rires) il fallait que je vois ça! J’étais un peu déçu, car les portes du General Lee s’ouvraient alors que dans l’émission, elles étaient soudées.

Zabel : Une petite dernière anecdote?

Étienne : Tu te souviens de la moto Honda CB que j’avais achetée à 29 ans? À l’époque, je l’avais surnommée Metal Baby! Je l’avais vendue en prévision de mon voyage au Mexique?  Eh bien je l’ai rachetée au gars trois ans plus tard pour ma tendre moitié qui a maintenant son permis de moto! Et Metal Baby a toujours son porte-clé avec son nom dessus 10 ans plus tard!

 Zabel : Merci Étienne d’avoir partagé avec les lectrices et lecteurs de Custom Tour! 

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