Polaris est une société américaine dont le siège social est basé à Medina, Minnesota. Elle est plus connue pour ses gammes de motoneiges, quads et côte-à-côte qui portent son nom. Mais Polaris est également un acteur important dans la moto. La société a commencé en créant de toute pièce une gamme de motos nommées Victory. La marque a été abandonnée par la suite. Pas parce que les Victory étaient mauvaises, mais elles n’ont pas rencontré leur public. Polaris aurait pu s’en tenir là, mais les dirigeants ont pris le pari audacieux de continuer avec un autre positionnement et une autre marque, Indian. Le succès est enfin au rendez-vous. C’est le résultat d’une stratégie qui s’est avérée gagnante. Voici les détails de l’ascension de Polaris dans le milieu de la moto, qui s’est déroulé en deux temps.
La marque Victory
Les motos Victory sont entrées sur le marché en 1998. Le projet avait vu le jour en 1987, initié par Matt Parks qui a trouvé également le nom Victory. C’était dès le départ le nom de code du programme qui était confidentiel. Le développement du prototype était confié à Geoff Burgess.
La concurrence était variée à l’époque, avec Harley-Davidson, mais également les marques japonaises. Le positionnement marketing était basé sur le motocycliste américain : Un homme ou un couple qui retournait à la moto après avoir élevé ses enfants et payé toute ou partie de son hypothèque de maison. Polaris voulait offrir une alternative à Harley-Davidson, et casser le monopole de la marque de Milwaukee, dont l’un des chevaux de bataille est l’achat américain / nationaliste. Les ingénieurs choisissaient de proposer leurs propres moteurs pour maitriser cet élément fondamental qu’est la motorisation. Pour l’habillage, Ils choisissaient un design moderne qui tranchait avec le conservatisme de Harley. Contrairement aux japonais, Victory ne copiait pas le style, mais proposait un véhicule moderne, pour ceux qui voulaient éviter l’image bad boy (et même plus), accolée à Harley-Davidson. En plus de la marque américaine et des cruisers japonaises, les concurrentes étaient BMW, Big Dog et Excelsior-Henderson, arrêtée en 2000.
La production du premier modèle, la V92C, a commencé symboliquement le 4 juillet 1998, sous le millésime 1999. Cette moto cruiser était équipé d’un moteur 92 cu In (1 510 cc).
En 2003 la Vegas est apparue, avec un nouveau châssis et le même moteur. La cylindrée a été augmentée pour passer à 100 cu In (1 600 cc) en 2006, avec 6 vitesses au lieu de 5. Puis un nouveau moteur de 106 cu In (1740 cc) a vu le jour en 2007, avec la Vision, un modèle de grand-tourisme. Plusieurs motos ont été ajoutées à la gamme jusqu’en 2017, et déclinées en plusieurs versions : Jackpot, Cross Country, Cross Road, Board Walk, Hammer, Judge, King Pin, Octane, Hard Ball, High Ball, Gunner ou Zack. En tout 60 modèles de Victory ont été produits pendant 18 ans.
Mais le 9 janvier 2017, le CEO Scott Wine a annoncé l’arrêt de fabrication et la liquidation de la marque Victory. Par contre, il a rajouté que « Les garanties, la fourniture des pièces détachées et les services dans notre réseau de concessionnaires seront assurés durant les 10 prochaines années ».
C’était une façon élégante de quitter le marché. Polaris ne voulait pas se mettre à dos la population motocycliste. Car la société américaine avait appris de son expérience. Victory proposait une image nouvelle, moderne, mais sans historique. Les motocyclistes avaient besoin de racines, de nostalgie, de nationalisme américain, d’images vintage.
La marque Indian Motorcycle
Polaris a joué sur les deux tableaux. Elle a d’un côté créé une marque de toute pièce, Victory, mais de l’autre elle a racheté en 2011 un fleuron de marque américaine, Indian, fondée en 1901. Cette marque est mythique. Elle a été présente en compétition très tôt. En 1903 elle a établi un nouveau record du monde de vitesse de 56 mi/h (90 km/h). De l’autre côté de l’Atlantique, les Indian ont remporté les trois premières places du Tourist Trophy sur l’île de Man en 1911, qui ne sont pas étrangères au choix de l’armée britannique pendant les conflits de 39/45.
En 1937, la première édition du Daytona 200 était remportée par Ed Kretz sur une Indian Sport Scout préparée. Puis les motos ont équipé l’armée américaine pour la première guerre mondiale, ainsi que les armées françaises et britanniques pour la seconde guerre mondiale. L’armée américaine commandera des 841, mais ne les utilisera pas, ni ne les paiera, ce qui ne favorisera pas l’essor d’Indian, qui n’avait plus de réseau de distribution et de motos civiles.
Un homme seul a mis en avant la marque grâce à un record qui est resté dans les mémoires. En 1967, Burt Munro a établi un record de vitesse de 296,26 km/h, avec une vitesse non officielle de 330,99 km/h. Il utilisait une Indian Scout Streamliner 600 cc de 1920.
Un record ne suffit pas pour faire vivre une société. Mais le film Burt Monro sorti en 2005 a captivé les foules et donné une image positive de la marque. Pourtant les changements de propriétaires au fil du temps ont été nombreux dans l’histoire d’Indian. George Hendee, le cofondateur a démissionné de son poste de président de l’entreprise en 1916. Au moins trois propriétaires se sont succédés jusqu’en 1950. Brockhouse Engineering, qui fabriquait Corgi, devenait actionnaire principal et commercialisait des Royal Enfield avec un logo Indian Motorcycle jusqu’en 1960.
Floyd Clymer a travaillé à la relance de la marque de 1963 à 1970. À son décès, son avocat, Alan Newman, rachetait la marque déposée Indian Motorcycle. Il s’en servait pour badger des petites motos taiwanaises ou italiennes de 50 à 175 cc. Les ventes ont chuté jusqu’à la fin de l’activité en 1977.
En 1998 une fusion de neuf sociétés relançait une production avec des moteurs S&S, mais faisait faillite en 2003. Il fallait attendre 2008 pour qu’une société produise aux États-Unis une moto avec un moteur de 105 cu In. Enfin, Polaris se portait acquéreur d’Indian Motorcycle en 2011.
Les motos étaient alors créées et fabriquées dans l’usine Polaris de Spirit Lake (Iowa).
La force de la maison mère a été de séparer les deux marques de moto Victory et Indian. Chacune avait son réseau de distribution particulier. L’image de Victory était moderne et dans les prix moyens du marché. De son côté, Indian Motorcycle était élitiste tant avec ses tarifs que ses concessionnaires qui devaient s’engager à présenter un univers spécifique, comme Harley le demande à son réseau de distribution. Le pari était risqué, mais il faut reconnaitre que Indian est sortie vainqueur de la confrontation. En 2013, Indian Motorcycle a dévoilé un nouveau V-Twin Thunderstroke 111 cu In (1819 cc). Ce moteur est conçu spécialement pour la marque, et ne provient pas de Victory. Il équipe des baggers et des GT. Il peut maintenant être obtenu en version 116 cu In (1901 cc).
En 2014, un V-Twin liquide de 69 cu In (1133 cc) est apparu, pour animer une gamme au nom mythique, Scout.
C’est maintenant une gamme complète qui est proposée avec les Chieftain, Challenger, FTR1200, Roadmaster, Springfield, Scout, Vintage, déclinées pour certaines en séries Dark Horse ou Elite.
Elles couvrent les catégories cruiser, bagger, touring, custom, café racer et même flat track qui est un cheval de bataille pour la compétition avec le vainqueur du championnat américain AFT Jared Mees.
La question qui tue: Quelle place occupent les deux rivales américaines sur le marché ?
Le site spécialisé Motorcycles data a donné une réponse pour la mi- année 2020. Harley Davidson a vendu 93 810 motos sur six mois en 2020 dans le monde, avec une baisse de 22% par rapport à la même période 2019. Pour sa part, Indian a vendu 22 615 motos à l’international, sur 8 mois, avec une baisse de 3,6% versus 2019. La marque de Milwaukee est toujours quatre fois plus grosse, mais elle perd du terrain, sur un marché qui est lui aussi en baisse. Indian Motorcycle est capable d’avancer, car elle peut séduire de nouvelles générations, mais également des motocyclistes d’expérience qui voudraient essayer une nouvelle marque après des décennies au guidon de la marque reine des USA.
Le SlingShot
Dans les réalisations de Polaris, n’oublions pas le Slingshot, ce véhicule trois-roues avec un moteur 4 cylindres posé sur les genoux, qui se conduit les fesses au ras du sol, le nez dans le vent et un casque sur la tête. On ne refera pas le monde mais il est plus proche de la philosophie custom que des cabriolets 4 roues à la conduite traditionnelle.
L’électrique au programme
Même si la moto électrique n’est pas dans la tête de la majorité des lecteurs de Custom Tours, il ne faut pas enterrer cette nouvelle énergie qui s’annonce avant-gardiste. Elle n’est pas encore prévue pour les Seat Burners et le millier de kilomètres avalés dans la journée.Mais Harley-Davidson fait parler d’elle avec la Lime Wire, et Tesla a démontré qu’on pouvait faire des véhicules attrayants. Polaris est dans la course à l’électrification. La société avait racheté en 2015 un producteur de motos électrique, Brammo, et avait exposé un prototype Victory électrique. Le groupe propose aussi des côte-à-côtes électrifiés, des karts de golf, et bientôt des motoneiges.
Même pour ceux qui ne sont pas pour cette fuite en avant avec l’électrique, il faut reconnaitre que Polaris a démontré sa volonté d’être un acteur du secteur de la moto. Il a plié un genou avec Victory, mais il est sorti avec les honneurs de cette marque, en conservant les garanties légales et en assurant l’approvisionnement des pièces détachées pendant 10 ans. Sa mise en marché d’Indian est une réussite et la gamme ressuscitée trouve sa clientèle, également chez les jeunes.