NOTE : Ici, avant d’aller plus loin, je me dois de spécifier quelque chose. Tomber à moto n’est pas systématiquement synonyme d’accident. Dans cet article, nous parlerons essentiellement de chutes lors de manœuvres à basse vitesse ou encore lors de passages à des endroits qui requièrent plus de dextérité ou de compétences techniques.
Il y a quelques années, lorsque j’ai suivi mon cours de conduite moto, on nous disait à répétition : « Il y a deux types de motocyclistes, ceux qui sont tombés et ceux qui vont tomber… » Depuis que je m’intéresse plus particulièrement à la moto d’aventure, je pourrais changer ce dicton. « Il y a ceux qui tombent point à la ligne. »
À voir comment plusieurs motocyclistes, autant routiers qu’aventuriers, manœuvrent leur monture à basse vitesse, il m’apparaît évident « qu’échapper » sa moto fait partie du paysage.
Un peu de physique
Une moto immobile ne recherche qu’une seule chose : se retrouver au sol. Pour qu’une moto se tienne en équilibre, il est primordial que cette dernière soit en mouvement. Les roues qui tournent génèrent un effet gyroscopique et maintiennent la moto en équilibre. Cependant, quand vient le temps de s’immobiliser, l’effet gyroscopique diminue. C’est à ce moment que les talents du pilote entrent en ligne de compte.
Dans mes formations, je répète que la moto est plus forte, plus grosse, plus lourde, mais beaucoup moins intelligente que nous. Si vous lui laissez le contrôle, elle le prendra, mais ne saura pas quoi en faire. Croyez-moi, ceci se terminera très mal.
Fait indéniable, piloter une moto, ou plutôt, tenir une moto en équilibre, que ce soit dans un stationnement ou dans un sentier, demande de la compétence.
La fierté et le facteur humain
Il peut être très gênant de se présenter au départ d’une randonnée de groupe avec des preuves irréfutables de chute sur le pot d’échappement ou sur les embouts de guidon. C’est à ce moment que l’on pige dans le sac à excuses. Trop lourde, trop haute, trop ceci ou encore trop cela.
J’ai moi-même utilisé mille et une excuses à mes débuts. J’utilise encore assez fréquemment les excuses. À la différence que lorsque ma belle Autrichienne s’étend de tout son long, je ne critique plus la moto, mais le pilote. Ici je parle de ma KTM 890R, juste pour clarifier et éviter les idées saugrenues.
La moto de route offre bon nombre de risques de l’échapper. Arrêts fréquents, trafic dense, manœuvres dans les stationnements, etc. Et l’asphalte, ça laisse des traces sur les carénages, sur les valises fraîchement peintes aux couleurs du réservoir et j’en passe. Sans parler du facteur « peur de tomber » qui la plupart du temps nous joue des tours.
Pour les motos de type aventure, la peur, la fierté, l’orgueil sont aussi présents. Même si ces dernières sont destinées à un usage plus abusif, les voir au sol n’est jamais agréable.
En aventurière, pour arriver à franchir des sections de roches mouillées, d’herbe humide ou de boue, les aspects techniques du pilotage sont essentiels.
Chuter à moto, dans ces circonstances, c’est tout à fait compréhensible. Si vous ne me croyez pas, ou si vous me dites que vous, vous ne tombez pas, alors j’ai une question pour vous : pourquoi équipez-vous vos montures de toutes les protections disponibles?
Oui c’est normal de tomber
Même si j’écris ce texte bien avant que vous ne puissiez le lire, sachez que je vous entends dire « y’é tu fou lui? » en lisant le titre en caractères gras… Non je ne suis pas fou, et effectivement échapper sa moto dans le trafic sur le Métropolitain, ce n’est pas normal. Mais lorsque vous tentez d’atteindre le petit coin de paradis pour y passer la nuit loin de tout, les obstacles pourraient faire en sorte qu’une chute fasse partie de l’histoire de la journée.
Les écoles de formation en pilotage hors route l’ont compris et offrent, pour la plupart, un chapitre uniquement sur le sujet. Comment tomber et comment relever la moto.
Donc, si on apprend comment tomber et se relever, pourquoi encore craindre la chute.
Soyons honnêtes
Oui il y a la chute qui fait mal. Celle qui laisse des traces sur le corps. Celle qui met fin abruptement à la randonnée ou encore à la saison. Ces chutes peuvent aussi bien se produire sur l’asphalte que dans une belle côte pleine de grosses roches. Mais ces chutes sont souvent évitables. Fatigue, mauvaise lecture de terrain, rouler au-dessus de ses capacités, bref il y a mille et une situations qui peuvent nous faire chuter et que l’on aurait pu éviter.
Sans vouloir entrer dans le débat des droits et libertés de tous et toutes, un fait est indéniable : les motocyclistes, qui s’adonnent au hors-route ou au tourisme d’aventure, semblent avoir à cœur leurs protections corporelles. Je n’ai jamais vu à ce jour des motocyclistes dans un sentier portant uniquement une camisole, un jeans et un casque. « Full Gear All The Time » est un peu comme une sorte de loi non écrite dans le domaine du hors-route.
- Tomber à moto en traversant une zone pleine de boue, c’est normal.
- Tomber en tentant de gravir une côte pas commode, c’est normal.
- Tomber en faisant un simple demi-tour sur la pelouse détrempée, c’est normal.
Si j’avais reçu 1 $ chaque fois que je suis tombé ou que j’ai échappé ma moto dans de telles situations, je vous confirme que je serais pas mal plus proche de la retraite que je le suis en ce moment!
Normal, mais évitable
Une moto d’aventure, c’est un peu le paradoxe de la moto. Je m’explique. Prendre une si grosse moto, conçue pour faire le tour du monde, mais aussi capable d’aller dans le petit sentier technique qui nous mène au bord d’une rivière, avouez que c’est un peu comme prendre un immense véhicule utilitaire sport pour aller explorer les profondeurs de la forêt…
Les deux vont arriver à destination, uniquement si on les pilote comme ils demandent à être pilotés. Les aventurières ne se pilotent pas comme de petites motos enduro. Avec leurs dimensions hors normes, leur moteur beaucoup plus coupleux et leur poids, elles exigent énormément de doigté. Avant d’arriver au point de passer partout sans chute, des séances de répétitions sont essentielles. Et lors de ces fameux exercices, des chutes, il y en aura.
Une aventurière, lorsqu’emmenée dans un endroit technique, nécessite un pilotage en douceur. Il est donc important de clarifier que dans ces circonstances et avec toutes les protections requises pour ce genre d’utilisation, les dommages ne seront que très minimes en cas de chutes.
Usage différent = différente mentalité
Comprenez-moi bien, il n’y a rien d’agréable à tomber à moto. Même à très basse vitesse. Voir sa moto que l’on aime tant au sol n’est pas du tout un objectif. Particulièrement lorsque ladite moto est son moyen de transport ou encore le véhicule utilisé pour les voyages de couple.
Qui plus est, lorsque la chute survient dans un stationnement ou sur la route, il y a tout l’aspect danger de la circulation qui amplifie le drame.
En mode aventure, dans un sentier, c’est différent. La chute doit plutôt servir à apprendre et à comprendre. Pourquoi je suis tombé? Comment faire pour l’éviter la prochaine fois? Lorsqu’il est assuré que le ou la pilote est intacte et que la moto est de retour sur ses roues, il est temps d’étudier la situation et de décider quoi faire.
Tenter une autre fois en prenant en compte du pourquoi de la chute?
Trouver une alternative et atteindre l’objectif en empruntant un autre chemin?
Ou décider que c’en est assez pour aujourd’hui, faire demi-tour et arriver à destination sain et sauf?
Oui, tomber ça fait partie du jeu, mais la chose la plus importante lorsque l’on part à moto, c’est de revenir à la maison, à moto.