D’entrée de jeu, permettez-moi quelques lignes afin de me présenter dans le cadre de la grande première de cette chronique. Mon nom est Nicole Messier et je suis la conjointe de Mario Tittley, qui signe la chronique Les Motos Antiques de Chez Nous. Étant férue d’histoire et d’une curiosité insatiable, lorsque j’ai rencontré Mario, en 2004, j’ai été contaminée par sa passion pour la moto et me suis mise à vouloir en connaître davantage sur l’histoire de cet engin extraordinaire. Le respect et l’admiration de Mario pour les motos antiques me fascinaient, tout autant que la lumière passionnée dans ses yeux lorsqu’il les astique! Il n’en fallait pas plus pour déclencher en moi cette curiosité qu’aujourd’hui j’ai envie de vous partager. Sans autre bavardage, je vous invite donc à m’accompagner pour un voyage dans le temps, à travers le monde, depuis l’invention de la roue jusqu’aux super bolides de notre millénaire.
Invention de la roue
Nous savons tous que Harley-Davidson a entamé sa production en 1903, que Norton a lancé sa première moto en 1902, ou encore qu’Indian produisit son premier deux-roues motorisé en 1899 et lança le Single en 1901. Mais l’histoire est beaucoup plus complexe et riche en événements ou anecdotes! La motocyclette est l’alliage parfait entre deux roues et un moteur. Si pour certains elle n’est qu’un moyen de transport pour se rendre au travail, pour d’autres elle représente le frisson procuré par le rugissement du moteur et une complicité indéfinissable, un sentiment de liberté et de pouvoir. Que vous soyez de l’une ou l’autre des catégories, j’espère que vous prendrez plaisir, tout comme moi, à rencontrer les pionniers de la motocyclette et leurs inventions.
Le mot motocyclette est composé de deux mots : Moto pour la partie motrice et de cycle pour la roue. Cependant, il fallait unir les deux entités de façon efficace afin que naisse le moyen de transport que nous connaissons. Voilà qui peut sembler fort simple aujourd’hui, mais qui présentait un réel défi en 1700! Que ce soit en France, aux États-Unis, en Allemagne, Angleterre ou ailleurs dans le monde, les inventions se sont succédées à un rythme effarent depuis plus de 300 ans. Nous voyagerons donc à travers le temps, certes, mais aussi nous ferons le tour du monde au fil de notre découverte des origines de la moto, depuis ses premiers balbutiements jusqu’à sa rutilante et performante allure moderne. Cette épopée nous permettra également de rencontrer les personnages d’exception qui en sont les créateurs, depuis l’invention de la roue! Pour cette première chronique, nous naviguerons donc entre 1770 et 1900.
Incroyable mais vrai!
À la liste des inventions amusantes que nous découvrirons au cours de ces chroniques, mentionnons le Cynophère français qui était propulsé par deux chiens enfermés dans des cages tournantes, et reliées aux roues arrière d’un tricycle! Environ à la même époque, un autre véhicule français utilisait un mouvement d’horlogerie, ce qui obligeait son conducteur à remonter le ressort au bout de quelques centaines de mètres seulement!
Un cycle à traction pédestre!
Les tout premiers cycles à deux roues alignées ont fait leur apparition à la fin du XVIIIe siècle. Ils étaient propulsés par les pieds de leur « cavalier »! Quelque peu éreintant, il va sans dire! Ce n’est qu’en 1817 que l’ingénieur et baron allemand, Drais Von Sauerbronn, a enfin adapté un système de direction sur la roue avant et son invention, la « draisienne », et en 1840 que naîtront enfin les pédales!
Le baron Drais von Sauerbronn serait, selon toute vraisemblance, le tout premier inventeur d’un cycle à traction. Il est né à Karlsruhe, en Allemagne, le 29 avril 1785. Au cours de sa vie, il inventa entre autres un poêle à économiser le combustible, une machine à prendre des notes, une sorte de cocotte-minute et surtout un char à 4 roues actionné par les jambes du conducteur. Cet engin fut d’ailleurs présenté au tsar Alexandre 1er, de passage à Karlsruhe en décembre 1813. Le monarque, paraît-il, se montra vivement intéressé! Ce n’est que le 12 juillet 1817 à Mannheim, que notre productif inventeur présenta un engin à deux roues dont celle de l’avant assurait la direction, avec une poutre centrale sur laquelle on s’asseyait à califourchon, et que l’on faisait avancer par impulsions avec les jambes. C’est donc du nom de son inventeur qu’est dérivé le nom de « draisienne ».
Le saviez-vous?
Le nom complet de Von Sauerbronn est: Carl Friedrich Christian Ludwig Freiherr Drais von Sauerbronn! Pas très évident à signer sur un chèque n’est-ce pas!
L’invention de la pédale
Il fallut attendre 1840 pour qu’un forgeron écossais, Kirkpatrick Mac Millan, créé une machine dotée de pédales et d’un système de transmission agissant sur la roue arrière. Il établit un record, en parcourant une distance de 225 kilomètres au cours de cette même année! La première bicyclette était née.
Anecdote
Un jour de 1842, Pate, comme était surnommé Mac Millan par ses concitoyens, se rendit visiter son frère à Glasgow, enfourchant sa monture. Comme l’objet était inusité, plusieurs curieux s’approchèrent de celui qu’ils ont baptisé « le diable sur roues »! La pression de la foule agglutinée lui fit perdre l’équilibre et il heurta une petite fille, qui se mit à pleurer. Il en résulta que Mac Millan fut arrêté et emmené au poste de police où il dormit en cellule. Le jour suivant, alors que Pate était formellement accusé d’obstruction et de conduite d’un vélocipède au détriment de ses pairs, le juge qui l’interrogeait ne put croire qu’il avait parcouru 40 milles en moins de cinq heures! Finalement, après de longues explications, le juge le libéra de toutes les accusations et il put enfin rentrer chez lui. Nul ne sait si c’est l’humiliation de sa comparution devant le tribunal ou encore s’il s’agit d’une simple négligence de sa part, mais Pate n’a jamais tenté de capitaliser sur son invention. Il est mort comme tout autre illustre inconnu. Cependant, en 1892, le secrétaire du club cycliste de Glasgow (Glasgow Cycling Club), l’a crédité de l’invention du bicycle.
France – Le vélocipède de Michaux
En France, la production du vélocipède de Michaux débuta quelques vingt ans plus tard, soit en 1869. Pierre Michaux adapta alors un pédalier sur la roue avant d’un cycle, en augmentant ensuite le diamètre pour améliorer le développement.
Des innovations telles que les roues métalliques à rayons, roulements à billes, bandages en caoutchouc, roue libre et pignons, rendirent les cycles plus pratiques et moins exténuants à conduire! L’avènement, en 1885, de la bicyclette Safety Rover inspira le dessin du futur cadre de motocyclette.
France – L’avènement du moteur à vapeur
Mais bien avant Drais Von Sauerbronn, Mac Millan ou encore Perreaux, le moteur à vapeur avait vu le jour. Il fut inventé au XVIIIe siècle; c’est en effet en 1770 que Cugnot fabriqua avec son fardier le premier engin à traction non animale, parce que nous le savons, il n’y a pas si longtemps encore, ce sont les chevaux qui tiraient les charrettes!
PHOTO 4 – 1770 – Fardier de Cugnot Note : Photo : Wikipédia
Hélas, le moteur à vapeur ne seyait pas très bien aux véhicules routiers! Le poids, l’encombrement du combustible et le peu de puissance, nuisaient considérablement au plaisir de la conduite de l’engin et sa popularité fut des plus modestes.
C’est alors que le français Michaux s’associa à l’ingénieur Louis-Guillaume Perreaux pour innover avec la création d’un vélocipède équipé d’un monocylindre chauffé à l’alcool, lequel, prétendait t’on, aurait atteint une vitesse de 15 kilomètres/heure. Mais devant la brève autonomie de la machine, moins de 16 kilomètres résultant du volume de liquide à transporter, elle connut peu de succès.
Le moteur à explosion
De l’idée du moteur à vapeur vint celle d’utiliser un gaz sous pression, libéré par une explosion contrôlée pour produire un mouvement circulaire au moyen d’un cylindre, d’un piston, d’une bielle et d’un vilebrequin. Ce concept avait déjà fait son chemin lorsqu’en 1876 le Docteur Nicolaus Otto déposa le brevet du moteur à quatre temps. Nous étions encore loin du moteur à essence mais l’idée germait. À cette époque, une voiture plus que rudimentaire était déjà construite à Dresde, en Allemagne.
Au peu près au même moment, soit en 1860, en France, Jean-Joseph-Étienne Lenoir se lançait dans le marché des moteurs à combustion interne, sous forme d’un moteur à deux temps, et sans compression. Ce moteur connut un succès très mitigé.
Le système d’allumage et le carburateur
À cette époque, les systèmes d’allumage étaient très rustiques, pour dire le moins! C’était alors un tube métallique, traversant le haut du cylindre et dont la partie externe était chauffée au rouge par une flamme. Lorsque le piston comprimait la charge intérieure du cylindre, une partie du mélange passait dans le tube incandescent où il s’enflammait. Quant au carburateur, pour réaliser le mélange air/carburant, on devait faire passer de l’air dans le réservoir de carburant; celui-ci s’évaporait et le mélange était aspiré dans le cylindre.
La toute première motocyclette – Un tape-cul!
Le Docteur Otto, baptisé le « père de la moto », donna le nom de tape-cul à son invention, terme souvent employé pour désigner les premiers deux-roues à cette époque et maintenant attribué aux véhicules peu confortables. Il utilisa cet engin pour tester un moteur à essence destiné à être utilisé comme une calèche motorisée!
Otto avait pour assistant un certain Bottlieb Daimler, qui le quitta en 1883 pour lancer son propre moteur à explosion. Ce n’est pourtant qu’en 1885 que Daimler réussit enfin à adapter son moteur quatre temps breveté sur un cadre en bois à quatre roues, mais dont deux d’entre elles servaient de stabilisateurs.
1885 – Daimler – Moteur à explosion à 4 temps avec cadre en bois
Le moteur était installé verticalement au centre de la machine. Une poignée tournante commandait le frein arrière. La soupape d’échappement était commandée par came alors que la soupape d’admission s’ouvrait automatiquement par la dépression créée par la descente du piston. Le moteur pouvait atteindre les 700 tours/minute.
Un jour mémorable
Le 10 novembre 1885, le fils de Daimler, Paul, a piloté l’engin depuis la ville de Bad Cannstatt à celle d’Untertükheim (en Allemagne), pour l’allée et le retour, soit une distance de 9,5 kilomètres. Il devint ainsi le premier motocycliste de l’histoire!
Gottlieb Daimler s’est éteint le 6 mars 1900. Il avait vu le jour à Schorndorf dans le Würtemberg, à environ 30 km de Stuttgart, en Allemagne. Il commença à travailler comme ingénieur en mécanique dans l’industrie de Graffenstaden, en Alsace, pour ensuite reprendre ses études de mécanique en 1857 à l’Université de Stuttgart. En 1865, il se lia d’amitié avec son compatriote inventeur et industriel Wilhelm Maybach. Il a épousé Emma Kunz en 1867, avec laquelle il eut cinq enfants.
Dix ans après l’exploit de Paul Daimler, soit en 1894, un engin allemand, la Hildebrand & Wolfmüller fut la toute première moto de série du monde à être officiellement mise en vente. La principale caractéristique de cette moto était qu’elle marquait la fin de l’usage des pédales comme force motrice. La moto était désormais un véhicule doté de sa propre qualité individuelle motrice.
Voilà que s’achève cette première chronique « Au Fil du Temps ». J’espère avoir su éveiller votre curiosité et espère avoir le privilège de vous retrouver dans la prochaine édition afin de poursuivre ensemble notre chevauchée à travers le monde et le temps. Nous parcourrons encore plusieurs kilomètres, à partir des années 1900.